Actualités départementales
01 décembre 2023
Doit-on refuser l’évaluation d’école ?
De quoi parle-t-on ?
Les évaluations d’école sous leur forme actuelle ont été généralisées à la rentrée 2022 après un an d’expérimentation. C’est le Conseil d’Evaluation de l’École (CEE), créé par Jean-Michel Blanquer, qui en a proposé le cadre.
Sa finalité, selon le CEE, est «l’amélioration, dans l’école, du service public d’enseignement scolaire, de la qualité des apprentissages cognitifs et socio-émotionnels des élèves, de leur suivi, de leur réussite éducative et de leur vie dans l’école.»
Elle est organisée autour de trois temps principaux :
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La rédaction d’un rapport d’auto-évaluation par l’équipe.
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La visite d’évaluateurs externes.
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La remise par ces évaluateurs du rapport d’évaluation externe et le suivi de l’évaluation sur les 4 années qui suivent.
Est-elle obligatoire ?
Le CEE « préconise » que toutes les écoles soient évaluées tous les 5 ans. Aucun texte réglementaire ne contraint à mettre en œuvre cette évaluation, mais l’instauration du CEE par la loi Blanquer de 2019 lui assigne bien pour mission de définir « les outils des auto‐évaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l’Education nationale ».
L’évaluation d’école s’inscrit donc dans la politique éducative nationale.
Si c’est une injonction et qu’elle provient de la hiérarchie (IEN, DASEN), un fonctionnaire ne peut s’y soustraire (principe d’obéissance hiérarchique des agents publics) dès lors que la demande ne contrevient pas à ses missions, ni à ses obligations réglementaires de service (ORS), ni ne « compromet un intérêt public », et n’est pas « manifestement illégale ».
Le respect des ORS peut donc être problématique. Dans certains lieux, la DSDEN a libéré des heures pour l’évaluation d’école (heures d’animations pédagogiques, heures d’APC). Mais ailleurs, c’est bien sur les 48 heures que l’évaluation devra être faite, 48 heures souvent largement dépassées ! Pour rappel, ces 48 heures sont consacrées aux « travaux en équipes pédagogiques, relations aux parents, élaboration et suivi des PPS pour les élèves handicapés ».
Le SNE encourage donc tous les collègues à faire un décompte préventif des 48 heures dans lesquelles ces travaux s’inscrivent. Seul ce décompte peut être opposable pour justifier la non-participation à ces heures.
Le SNE se doit également de mettre en garde les collègues qui souhaitent refuser cette évaluation d’école, à l’appel de certaines organisations, sans autre arme qu’une consigne syndicale. Ils risquent de se retrouver bien seuls lorsqu’il faudra assumer leurs positions…
Les retours des collègues
Les délégués du SNE ont pu recueillir, sur le terrain, différents témoignages de collègues qui ont déjà mis en œuvre l’évaluation d’école. En voici le condensé :
Les retours positifs
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La possibilité pour l’équipe de faire le point sur son école et de trouver des pistes pour améliorer la réussite des élèves.
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L’amélioration de la cohérence au sein de l’équipe, suite à un diagnostic issu de l’auto-évaluation ou de l’évaluation externe.
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La libération, dans certaines DSDEN, d’heures pour la mise en œuvre de l’évaluation d’école (heures d’APC ou d’animations pédagogiques).
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Une attitude positive des évaluateurs.
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Le travail d’évaluation d’école servira pour la rédaction du projet d’école.
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Le recueil de l’avis des élèves, familles et personnel peut apporter un regard nouveau et intéressant.
Les retours négatifs
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Le temps que cette évaluation prend à l’équipe, dans les départements où il n’est pas compensé.
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Un manque d’intérêt et d’utilité dans certaines écoles, surtout quand l’école fonctionne bien. L’évaluation est alors vécue comme une charge supplémentaire inutile.
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L’absence de repères permettant de faire un auto-diagnostic, les seuls éléments exploitables se résumant souvent aux résultats d’évaluations nationales des élèves. Avec le nombre de données que les directeurs font remonter à travers les enquêtes en tout genre, cela pose question…
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Le manque criant d’accompagnement pour l’auto-évaluation dans certains départements et certaines circonscriptions.
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L’impression de faire un deuxième projet d’école, alors que normalement il est censé le renseigner
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Le recueil de l’avis des élèves, familles et personnel peut être vécu comme quelque chose d’intrusif.
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Dans le cadre proposé par le CEE, « l’adhésion de l’ensemble de la communauté éducative (…) à la démarche d’évaluation de l’école est une condition de réussite ». La contrainte n’est donc pas préconisée.
Si notre syndicat reconnaît que les équipes peuvent trouver un intérêt dans ces évaluations, il observe que dans la majorité des écoles les évaluations sont plutôt subies.
Nous demandons donc que ces évaluations restent facultatives afin qu’elles conservent leur intérêt, comme le prône le CEE. Ce n’est que si elles sont considérées comme potentiellement intéressantes par les collègues que celles-ci pourront se révéler efficaces.
Notre syndicat rappelle que les collègues sont fatigués par un métier rendu de plus en plus difficile par la lourdeur administrative, par l’inclusion à tout prix et par le manque de considération sociétale et institutionnelle. Ces évaluations représentent évidemment une charge de travail supplémentaire pour les enseignants et les directeurs. Nous demandons donc une généralisation de l’octroi d’heures de compensation comme cela se fait dans certains départements, allant jusqu’à la totalité des heures d’animation pédagogiques, auxquelles s’ajoutent des heures rémunérées si nécessaire (Haute Garonne). Sans quoi ce dispositif deviendra, comme le projet d’école, une énième tâche annexe, inutile et chronophage à inscrire dans un agenda surchargé…